II marche seul !

Comme tellement d'autres enfants belges, Joël Devillet a été violé à plusieurs reprises par un prêtre délinquant. Malgré la récente reconnaissance par l'Eglise de sa responsabilité morale face au caractère massif de cette forme de criminalité, malgré aussi sa volonté déclarée d'accorder des indemnisations, cet ex-séminariste est encore en colère : « Des avocats démarchent les victimes pour ensuite les conduire dans une impasse juridique, tout en se remplissant les poches. A notre corps défendant, nous avons été l'objet de sévices sexuels et d'abus de pouvoir dont les traces ne disparaîtront jamais. Notre dignité doit-elle une nouvelle fois être bafouée ? »      

Dans deux éditions successives, les 22 et 29 janvier 2009, Paris Match a dévoilé le parcours de vie tragique de Joël Devillet, victime dans son enfance d'abus sexuels commis par un prêtre. C'était encore une époque où l'institution catholique, mais aussi la société, avaient tendance, pour la première par stratégie, pour la seconde par ignorance et crédulité, à minimiser cette criminalité honteuse qui a causé beaucoup de malheur. Depuis lors, cette victime a fait du chemin (NDLR : son abuseur aussi, qui est l'objet de poursuites judiciaires après avoir fait trois autres victimes). Le livre qu'il a publié a eu un impact bien au-delà de la Belgique alors que l'actualité - l'éclatement du scandale des prêtres abuseurs sexuels - donnait une ampleur nouvelle à ses dénonciations. En tant qu'ex-séminariste, Devillet connaît particulièrement bien le « milieu » dont, en quelque sorte, il est le produit culturel. Il est devenu l'une des voix les plus écoutées dans le combat pour une perestroïka de l'Eglise, confrontée à la dépravation de trop nombreux clercs. A la fin du mois de mai dernier, beaucoup ont considéré que cet objectif était enfin atteint. Dans la foulée du rapport déposé le 7 avril par la Commission spéciale du Parlement « relative au traitement d'abus sexuels et de faits de pédophilie dans une relation d'autorité, en particulier au sein de l'Eglise », les évêques et supérieurs religieux publiaient un communiqué reconnaissant explicitement une responsabilité collective et une volonté de réparation. Avec une lucidité nouvelle, ces derniers écrivaient notamment « reconnaître sans détour que ces faits sont d'autant plus pénibles que leurs auteurs sont des membres de l'Eglise revêtus d'une autorité morale ». Et ils se déclaraient déterminés, via la mise en place d'un tribunal arbitral, « à rétablir les victimes dans leur dignité et à leur procurer des indemnités financières selon leurs besoins ». Parmi bien d'autres intervenants, la présidente de la Commission, Karin Lalieux (PS) s'était réjouïe « de la rupture de ton de l'Eglise ». Estimant qu'il s'agissait là « d'un moment important pour les victimes, car l'institution ecclésiastique leur tend enfin la main. L'Eglise n'essaie plus d'échapper à sa responsabilité morale mais, mieux encore, elle accepte de réparer leurs souffrances en se disant prête à les indemniser. »

Beaucoup de victimes aussi ont salué ce pas en avant dans la reconnaissance d'un phénomène criminel longtemps tu. Mais déjà critique par rapport aux travaux de la Commission qui, à son sens, aurait pu aller plus loin dans ses recommandations et dans « la mise à jour des contradictions et des mensonges proférés par certains représentants de l'Eglise », Joël Devillet ne salue pas avec autant d'enthousiasme que d'aucuns la mise en place d'un tribunal arbitral qui « va conduire à devoir pactiser avec des agresseurs sexuels ». Pour cet homme qui vit encore avec son passé d'enfant abusé sexuellement, « il est impensable de monnayer au travers d'une transaction financière l'abandon des poursuites judiciaires pour des faits de cette nature. Qu'est-ce qu'on fait après avoir accepté un accord ? On sert la main du violeur ? On reçoit la bénédiction du prêtre qui vous a abusé, lequel vous sera reconnaissant de n'avoir pas dû répondre de ses actes devant la justice des hommes ? En acceptant une transaction de ce genre, j'aurais l'impression d'avoir vendu mon corps. La seule différence avec la prostitution étant de recevoir un paiement différé dans le temps. »

En s'exprimant ainsi, Joël Devillet veut inviter les victimes de prêtres pédophiles à poursuivre leur réflexion sur la meilleure manière d'obtenir réparation des dommages infligés. Toutefois, ces propos pourront paraître bien radicaux à la lumière des très maigres résultats obtenus dans le passé par nombre de commissions d'enquête parlementaires, même celles qui s'étaient octroyé des pouvoirs d'investigation plus larges. D'aucuns souligneront également que les procédures d'arbitrage sont des mécanismes de résolution de conflit courants, dont la légitimité est entière à partir du moment où celle-ci est reconnue par les parties en présence. On soulignera enfin que toutes les victimes ne disposent pas des ressources financières, morales et psychologiques pour envisager de longues poursuites judiciaires dont l'issue est incertaine.

Et c'est justement à cet égard que Joël Devillet enfonce le clou. « Les victimes de prêtres pédophiles devraient être prudentes quant aux procédures judiciaires tout aussi spectaculaires qu'hasardeuses dans lesquelles certains avocats veulent les attirer à coup de grandes déclarations et de conférences de presse ! »  La suite et source

Joel Devillet, l'enfant de choeur qui a fait mordre la poussière à l’archevêque Léonard

Il aura bientôt 42 ans, mais dès qu'il commence à parler, vous avez encore ce sentiment bizarre de le rendre particulièrement heureux avec un oeuf Kinder Surprise. Joël Devillet traverse la vie avec une petite voix grêle, comme si son temps s’est arrêté en 1987.

Quand il était enfant, il allait jouer au ‘Nintendo’, le mercredi, chez l’Abbé Gilbert Hubermont, le curé du village à Aubange, près de la frontière grand ducale. Le premier et le seul qui avait ‘un Nintendo’ à la maison et invitait ensuite à s’asseoir une fois sur ses genoux.

L'enfant de choeur d’alors vit maintenant à Saint-Gilles, anonymement dans l’agitation de Bruxelles, avec deux perroquets et Dora, son chien bâtard. À propos de sa voix, un rapport neuropsychiatrique dit que "diverses études ont montré que les problèmes phonétiques ont une cause psychogène qui remonte à l'adolescence."

Cela lui a coûté quinze années de sa vie, mais l'objectif est atteint. Joël Devillet a finalement mis l’archevêque André Léonard sur les genoux, et non vice versa.

Ceci est ce que la pédophilie fait d’un homme. Chez Joël Devillet, destiné lui-même à être un prêtre, tout est raté. Sa voix, sa stature. Il est un défaut de fabrication. Sa foi, il l’a perdue il a une quinzaine d’années. "Et pourtant", soupire-t-il. «Je me surprends parfois à prier. Lorsque le bus est bloqué dans le trafic et que je dois aller d’urgence aux toilettes. Alors, par exemple ».

Mercredi, lors de son soixante-quinzième anniversaire, Mgr André Léonard a présenté sa démission au pape François. Exactement une semaine après que la Cour d'appel de Liège l’a été condamné à payer € 10 000 à Joël Devillet. Parce qu'il avait toujours été au courant de l'abus et n'avait rien fait. Négligence coupable.

Joël Devillet: "C’est fini pour Léonard. Le pape pourrait prolonger son mandat d’une ou deux années, peut-être trois, mais cela ne va pas se produire. Il est à jamais dans les rangs d’ecclésiastiques qui se sont brûlés les doigts dans une affaire de pédophilie. Exactement ce genre de figures dont ce pape ne veut plus aller plus loin.

"Tout est allé si vite que j’ai encore un peu à faire avec lui. Il m'a toujours considéré comme un imbécile, un petit tas de poussière dont il espérait qu'il s’envolerait de lui-même. Comme cela s’est toujours passé avec la majorité des dossiers d'abus sexuels dans l'église. Les dernières années, je suis souvent allé de façon anonyme à des messes qu’il présidait. A Noël encore, dans la cathédrale, j'y étais à minuit. Alors, je me tenais dans la file, attendant sa poignée de main.

« Puis il a dit: ‘Ah Joël, comme je suis content de te voir. Nous devrions une fois vraiment parler’.

« Faisons-le, lui ai-je dit. Sur ce, il a répondu : ‘cela ne va pas parce que tu as intenté un procès contre moi’.

« Il m’a invité à envoyer un e-mail pour montrer que j’étais prêt au dialogue et à la réconciliation. Pour imprimer alors cela et laisser son avocat l’agiter au tribunal. Maintenant, je ne suis pas non plus aussi stupide.

« Je ne veux pas de relation. Je ne veux pas d’enfants. Plus tard, les victimes deviennent des abuseurs. Ainsi, j’évite ce risque. »

Tous pécheurs

« Finalement, je ne demandais pas beaucoup à Léonard. Tout simplement dire à haute voix qu'il est désolé et qu'il a commis une grave erreur, aurait pu suffire. Il n’est pas comme ça. Léonard connaît seulement deux concepts : péché et pardon. Faute et justice sont des mots qui ne lui disent rien à lui, et là est le problème avec l'Église catholique. Tous ces ecclésiastiques se confessent mutuellement. Chacun connaît quelque chose de l'autre, donc il faut toujours implorer et donner le pardon. S’ils devaient réellement enlever tous les pécheurs, il ne resterait pratiquement plus d’ecclésiastiques. De cette logique Léonard ne pouvait rien faire d’autre que de protéger mon agresseur. Comme cela se passe toujours dans toutes ces affaires de prêtres pédophiles.

"Je suis aussi partie civile dans l’enquête sur l’opération ‘Calice’.Alors, vous pouvez consulter votre dossier aux greffes du tribunal et vous en voyez alors l’importance. Des centaines de victimes, principalement des néerlandophones. Des centaines. Et vous savez, c’est seulement une petite fraction qui a trouvé le courage d’en faire un cas ici. La réaction plus normale est de tourner la clé et d’aller à la recherche de meilleures choses dans la vie. Un emploi, une famille, une passion. "

C’est jeudi après-midi. Joël Devillet vient juste de faire deux heures d’exercice avec son futur chien de compagnie dans la 'Maison des amis des aveugles et malvoyants’ à Ghlin. Il est porteur d’un gène qui le rend, depuis trois ans, lentement mais sûrement rend aveugle. Un homme ne peut avoir que de la malchance, pensez-vous alors. Il voit cela autrement.

"Je savais que cela arriverait un jour. Mon frère l’a eu à dix-huit ans. Si cela vous touche à quarante ans, je me lâche avec la pensée que le verre est à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. Je suis content de ce qui est. Je suis infirmier de formation et j’ai dû laisser tomber mon travail. Comme un fou, j’ai sollicité quelque chose d’autre mais cela ne réussit pas. Donc, j’ai énormément de temps. Pour cela.

‘Si j’avais quelque chose à dire, je laisserais toujours juger les affaires de délinquances sexuelles par des magistrats féminins’

Petit monstre

Il a aussi écrit un livre. Avec un passage très marquant sur la peur pour lui-même, pour le petit monstre qui habite aussi quelque part dans son corps. Au moins, il le suppose. "Beaucoup de victimes sont plus tard, dans leur vie, des abuseurs, il y a des études scientifiques qui sont faites. Comme mon gène, qui se poursuit de génération en génération. Donc, je ne veux jamais une relation. Et surtout pas d’enfants. Ma vie est ce qu'elle est, et c’est bien. J’y suis allé beaucoup plus durement que ces milliers de victimes, c’est ainsi. J’avais également un bien meilleur dossier.

"Lorsque j’ai déposé une plainte civile en 2006 contre Léonard, chacun se faisait compatissant. Quelle idée folle de penser qu'un juge voudrait aller aussi loin. Même au Parlement au temps de la commission sur les abus sexuels, je sentais les rires sous cape de la part des députés. Quel naïf, que ce Devillet.

"Je savais bien que je perdrais l’affaire contre Léonard à Namur en première instance. Namur est sa ville, l'Eglise est toujours impliquée dans la nomination de magistrats. A la Cour d'appel de Liège siégeaient trois jeunes femmes magistrats. Elles m'ont demandé de raconter brièvement mon histoire. Elles ont écouté, et effectivement j'étais parvenu à un point que quelque chose tombait de moi. Enfin. Une salle d'audience où l'on voulait m’écouter, où je pouvais dire, 'S'il vous plaît lisez le dossier, lisez ce que M. Léonard m’a écrit dans les premières années’.

"Il y a dix ans, là, dans cette Cour trois hommes gris auraient siégé, pensant à leur carrière, à la hiérarchie. Ils auraient peut-être ri intérieurement à cause de ma petite voix. Je le sais, parce que j’ai assez souvent vécu la situation au cours des quinze dernières années. Si j’avais quelque chose à dire, les affaires de délinquance sexuelle seraient toujours mieux jugées par des magistrats féminins.

"Léonard se sentait trop bien, trop important, pour se justifier devant ces trois juges. Il ne s’est même pas présenté. La semaine dernière, il a annoncé dans un journal français qu'il se rend à la Cour de cassation. Tandis que, dernièrement dans Paris-Match, il annonçait, en tant qu’ascète, n’avoir que € 12 sur son compte. Donc je suppose que ce n’est pas lui, mais l'archevêché qui paiera ses avocats à la cassation. Désormais, il ne peut tenter d'annuler le jugement que sur des erreurs de procédure, mais suivant ceux qui ont lu le jugement, ce n’est qu’un voeu pieux.

"Tout est fini pour Léonard. Il ne sera jamais cardinal. Encore quelques semaines et il n'est plus rien du tout. Rien. L'église belge vient dans les mains de gens de ce temps, de Johan Bonny ou Joseph De Kesel. Peu importe qui le sera. C’est de toute façon un progrès ».

Précisez votre pensée

Jusque dans les années 2000, Devillet avait rêvé de devenir prêtre. Il a été admis au grand séminaire. André Léonard, alors évêque de Namur, savait à ce moment tout de lui, et de l'abus par le prêtre Hubermont. Des pièces du dossier montrent comment Hubermont a procédé à des aveux, le 14 Novembre 1996, devant un tribunal ecclésiastique à Namur.

Cela s’est passé comme suit. Devillet déclare sur l'honneur qu'il n’éprouvait aucun plaisir dans les fellations hebdomadaires, où Hubermont prend la parole. Demandez à l’Abbé Hubermont: "Est-ce vrai?» Réponse de l’abbé Hubermont: "Oui, sauf pour la phrase « Je n’éprouvais ici aucun plaisir". En fait, je voulais arrêter, mais Joël m'a demandé de continuer.

C’était, ainsi noté, le Joël de 15 ans qui l’avait amené aux actes délictueux. Mortel étaient, pour André Léonard, les billets qu'il a écrivait par la suite à Devillet lui-même. Il avait été décidé d'envoyer l'enfant de choeur chez un thérapeute et il était convenu que les trois parties paieraient chaque un tiers des honoraires: le diocèse, le prêtre pédophile et Devillet lui-même. Car, suivant le raisonnement, il avait lui aussi un peu de culpabilité après ce qui lui était arrivé après le jeu de ‘Nitendo’.

Le 11 Octobre, 1998 Léonard écrit: «Mon fils Joël. Je me réjouis de ce que tu me dis sur un soutien psychologique régulier. Je pense que ce sera très utile."

Le 22 Novembre 2000 : « Cher Joël, souhaites-tu que l’Abbé Gilbert Hubermont fasse quelque chose pour toi? Quoi qu'il en soit, si oui, précise ta pensée. Je te bénis de tout coeur. André-Mutien Léonard, évêque de Namur. "Il n'y a aucun moyen de nier que Léonard, comme supérieur hiérarchique direct de Hubermont, n’était pas au courant. Et ne savait rien de mieux que d'inventer un vague accord à propos du paiement du thérapeute.

Joel Devillet: "Tout ce temps-là, Gilbert Hubermont est resté prêtre. Lors du procès, l'avocat du diocèse disait qu'il a été mis en non-activité, en Juin 2014, par le pape. Que l'on avait donc bien prisses responsabilités. Lorsque nous en avons demandé de voir la preuve – quelque chose d’écrit - aucune réponse n’est venue.

‘Ils auraient pu arrêter Hubermont depuis longtemps. Mais Léonard lui confiait toujours une nouvelle paroisse’

"Je n’étais pas la dernière victime de Hubermont. À un certain moment, vous êtes trop vieux, alors un tel homme est à la recherche de nouveaux enfants. De nouvelles plaintes pénales arrivèrent déjà depuis 1998 et l’année dernière tout a été jugé correctionnellement pour le viol de quatre autres enfants. Ils auraient déjà pu le faire arrêter dans les années quatre-vingt. Devoir arrêter. Mais Léonard lui confiait toujours une nouvelle paroisse où il pouvait recommencer à partir de zéro.

Garder la trace

Etre victime, dans le cas de Joël Devillet, est un emploi à temps plein. Sa chambre est remplie de tours de livres et de dossiers. Quotidiennement, Il met son blog à jour, il dévore tout ce qui est dit et écrit au Vatican.

"Je sais qu’à Namur il n’y a seulement que dix victimes qui ont exactement vécu la même chose que moi. Personne n'a un aussi bon dossier que le mien. J’ai tout gardé: les billets de Léonard, les extraits de compte. Dans les affaires de justice, c’est souvent ainsi, l'avocat qui vous demande des pièces pour faire valoir votre point de vue. Les gens jettent des choses, moi je ne le fais pas. Je suis déjà allé plus de quinze ans en arrière. Chaque jour, j’écris des lettres, j’envoie des lettres recommandées au Vatican, je tiens des délais judiciaires à l'oeil.

Pourquoi dois-je le faire? Parce que votre existence doit encore avoir une raison quelque part?

"Mon viol a été prescrit au pénal en Juin 2001. Presque simultanément, j’ai été expulsé du grand séminaire. C’est cette prise de conscience qui m'a conforté, cette confrontation dure comme la pierre avec leur hypocrisie. Toutes ces années, ils m’avaient gardés en suspens, envoyé des billets doux. Ils ont tout fait pour garder la question au sein de l'église. Mais une fois que l'affaire était prescrite, je ne me suis soudainement plus senti apte à être prêtre. Mon monde s’est alors effondré, mais pendant longtemps je n’en ai pas fait le deuil. Là, j'ai perdu ma foi. Léonard et tous les autres du diocèse avaient menti durant des années. S’ils ont menti à propos de tout cela, j’ai pensé, qu’est-ce qui est encore crédible dans le reste de leurs histoires?

«Je me demande parfois s’ils croient que des prêtres qui ont agressé des enfants, et ceux qui ont été leurs complices finiront dans "un enfer qui est encore plus dur pour eux. " Voilà ce que le prélat maltais Charles Scicluna a récemment déclaré. Il est le président de la commission qui enquête sur les plaintes d'abus sexuels au Vatican. Avec la condamnation de Léonard on ne peut plus faire autrement que de penser qu'il va entrer dans un enfer encore pire.

"Je connais Léonard depuis longtemps. Du séminaire de Namur. Grâce à son frère aussi, qui est décédé il y a quelques années. Il y fut mon confesseur. Je sais que Léonard était très désireux de devenir cardinal, le numéro deux dans le pays, après le Roi. Il dit que non, mais croyez-moi: il a vécu toute sa carrière dans cette perspective, tout tournait autour de cela. Cette ambition brûlante. Et bientôt, il ne sera plus rien du tout. Y a-t-il encore quelqu’un qui écoute quand il parle de sida et de justice immanente. »

‘Historique’

Nous roulons sur l'autoroute A8, Dora s’est nichée entre ses genoux. Dans six mois, Dora devra s'habituer au chien d'accompagnement, qui est encore en formation. Il sait déjà que ce sera un souci dans son appartement exigu. Avec la sortie de Leonard se soulève la question de ce qu'il va faire, maintenant que son but si utopique est atteint. Il pense.

"Vous savez, jusque-là les victimes d'abus sexuels au sein de l'église s’entendaient dire que leur cause était malheureusement pénalement prescrite. Après l'affaire Vangheluwe est arrivée cette commission qui rassemble les victimes et l'Eglise et essaie de parler de réconciliation. Les gens obtiennent alors quelques milliers d'euros et s’engagent à ne pas ester une action en justice. J'ai montré qu'il existe aussi quelque de tel comme droit civil, avec un délai de prescription de trente ans. Que des adultes qui abusent d’enfants peuvent certainement être appelés à rendre des comptes. Et aussi ceux qui les protégeaient.

"La semaine dernière, un journal titrait : ‘Historique’. Cela, je l’ai découpé et je le porte sur moi."  

NL  DOUGLAS DE CONINCK

traduction de "De Morgen" 9.05.2015